Aujourd’hui, un sujet abordé de loin dans ma publication du SASX118 : La compression thermique, ou plus globalement le rapport à la chauffe des haut-parleurs en général.
Pour commencer, on reprendra le principe de base d’un haut-parleur :
Une bobine située au milieu d’un aimant est traversée par un courant.
Ce courant fait avancer ou reculer la bobine, qui, attachée au cône du haut-parleur, le fera entrer en mouvement et transformera cette énergie électrique en un mouvement mécanique.
Dans un monde parfait, plus on enverrait de puissance dans cette bobine, plus le haut-parleur bougerait et donc plus on aurait de décibels à la fin, et cette bobine aurait toujours la même résistance peu importe la puissance qu’on lui envoie… sauf que le monde parfait n’existe pas (sauf si vous êtes dans un clip d’Ilona).
C’est là qu’on est confronté à un phénomène physique qui bride les transducteurs depuis des années : La compression thermique !
Elle est un peu comme votre ex : elle jouera sur plusieurs tableaux et fera tout pour vous pourrir la vie.
Le facteur principal sur lequel va influer la compression thermique sera la résistance de la bobine.
La résistance est une grandeur physique qui définit la propriété d’un composant à s’opposer au passage du courant : Plus la résistance est grande, moins le courant passe, et donc, moins on pourra faire passer de puissance.
La résistance d’une bobine est en général donnée à 20°C, mais il est courant avec de fortes puissances admissibles qu’elle puisse dépasser les 200°C, et plus un conducteur électrique est chaud, plus sa résistance va augmenter.
Pour imager mes propos, on rappellera la loi d’Ohm : P = U² / R
(Avec P la puissance en Watts, U la tension en Volts et R la résistance en Ohms).
Prenons une bobine de haut-parleur, qui aurait pour valeur R = 5,5 ohms à 20°C et 11 ohms à 200°C
On envoie une tension U = 70V dans cette bobine.
Avec une bobine à 20°C, on a P = 70²/5,5 = 891W
Avec une bobine à 200°C, on a P = 70²/11 = 445W
Soit la moitié de la puissance partie… dans le vent !
On comprend donc cette quête perpétuelle des fabricants de haut-parleurs à dissiper et évacuer le plus efficacement possible la chaleur :
Elle bride significativement la puissance admissible et le rendement du haut-parleur et peut même mener à sa destruction (Passée une certaine température, le support bobine et sa colle se désolidarisent, et… c’est le drame).
Depuis quelques années, on assiste à une course à l’innovation : Des bobines de plus en plus grosses (Plus on a de surface de bobine, plus on peut dissiper de chaleur), de plus en plus longues (plus on a de débattement, plus on va faire circuler d’air autour de la bobine et donc la refroidir), des technologies telles que le Maltcross de Beyma (Un système qui vient forcer une convection d’air pour refroidir la bobine) ou encore le Tetracoil de chez 18Sound (qui vient quadrupler la surface de bobine pour toujours plus de dissipation) et on arrive à encaisser de plus en plus de watts, avec de moins en moins de pertes et un refroidissement toujours plus performant.
Nous sommes à l’ère de la puissance, à l’opposé des haut-parleurs d’il y a 20 ans qui privilégiaient la sensibilité puisqu’ils ne savaient pas aussi bien dissiper la chaleur et ne disposaient pas d’amplificateurs très performants.
Un autre facteur sur lequel va influer la compression thermique (moins important, mais pas négligeable non plus) est la force magnétique des aimants.
En effet, la chaleur de la bobine s’évacue en grande partie par l’aimant qui l’entoure, mais eux aussi ont leurs limites.
Une trop grosse montée en température de l’aimant peut aller jusqu’à induire une démagnétisation partielle (souvent réversible mais pas toujours, selon l’ampleur de la chauffe qu’il aura encaissé) et donc une modification des paramètres du haut-parleur.
Un aimant néodyme de qualité H (généralement retrouvé dans les haut-parleurs va commencer à se démagnétiser à partir de 120°C, et un aimant ferrite autour de 250°, les haut-parleurs équipés d’aimants néodymes seront donc possiblement plus sensibles à ce phénomène… mais dans la pratique, ils ont aussi beaucoup moins d’inertie thérmique : l’aimant néodyme chauffera et refroidira beaucoup plus vite qu’un aimant ferrite car il est moins lourd et volumineux, on peinera donc beaucoup moins à le refroidir une fois chaud qu’un aimant en ferrite d’une dizaine de kilogrammes.
(Puis entre nous, si l’aimant dépasse 120°C sans que vous ne vous en rendiez compte, c’est que vous n’en avez surement pas grand chose à faire… Bien souvent l’odeur de chaud interpelle : Un haut-parleur qui tourne fort peut atteindre 60 à 80°C mais ne les dépassera que rarement)
Ces deux phénomènes mettent en avant l’importance de limiter correctement ses haut-parleurs, en fonction de leurs spécifications mais aussi de leurs cas d’utilisations.
Plus on envoie de puissance, plus on met le haut-parleur en contrainte mécanique et thermique, parfois on gagne à économiser quelques watts qui seraient perdus en chaleur.
En charge close, on ne peut évacuer la chaleur, on préconisera de diviser la puissance par 1,25 pour limiter la compression thermique lorsque l’aimant n’est pas refroidi par l’air extérieur.
Moins on descend bas, plus ça chauffe !
Bien que ça puisse paraitre paradoxal, plus on va descendre bas en fréquence, plus le débattement du haut-parleur sera grand et donc mieux il refroidira.
Bien souvent, une ligne de kick bien costaude sans Subs sera plus dangereuse pour un haut-parleur qu’une ligne de basse qui descend bas, à très forte puissance.
Si ça distord ou si ça sent le brulé, c’est qu’il y a un problème.
Vos oreilles sont souvent un très bon indicateur d’un potentiel problème : Un souci de filtrage ou une surchauffe se traduiront par une distorsion ou une baisse de niveau.
Quand ça arrive, on se pose des questions : Pourquoi ça sonne crado ? pourquoi ça baisse subitement sans raison ?
Puis on baisse rapidement le volume pour aller contrôler ce qui se passe et résoudre le problème (souvent un limiteur mal calé ou un souci de filtrage).
C’est là qu’on distinguera le technicien consciencieux qui constatera et résoudra le problème, alors qu’un ahuri qui s’en fiche se contentera de monter le son pour compenser (ce qui aggravera encore le phénomène, ou détruira les haut-parleurs, selon le cas de figure)
Ainsi s’achève un article qui je l’espère, éclairera des lanternes (et le cas échéant, réchauffera les foyers cet hiver) 😉